LES VINS ORANGES
Article de Alberto Busto
Vins d’orange et vins de macération.
Qu’est-ce que vous voulez boire ? Du blanc, rouge, des bulles ? J’aimerais bien du vin orange !
Avez-vous déjà entendu cette conversation, au restaurant, entre le sommelier et les clients de la table juste à coté de la votre?
Depuis quelques années, dans les cartes de tous les restaurants et bars à vins du monde, une « nouvelle catégorie » de vins s’est imposée, en premier temps comme une mode, et aujourd’hui comme un véritable territoire à explorer. Il s’agit des vins blancs macérés et, en particulier, des vins d’orange.
Commençons par les bases, le vin orange est un vin blanc vinifié comme un vin rouge, donc avec une macération plus ou moins longue sur les peaux.
En effet, si l’on écrase deux baies de raisins, l’un noir, l’autre blanc, le jus qui coulera sera plus ou moins de la même couleur : blanc !
Il s’ensuit que la couleur du vin « réside » essentiellement dans sa peau. Le plus le jus sera en contact avec les peaux du raisin, le plus on pourra extraire sa couleur.
En réalité, si le vin orange a pris son essor ces 20 dernières années, il s’agit d’une méthode de vinification qui existe depuis des milliers d’années, et il n’est pas faux de penser qu’elle représente la genèse du vin lui-même.
Les dernières études on démontré que la genèse aurait eu lieu dans le Caucase, et notamment en Géorgie, où l’on a retrouvé des traces de vinification dans des récipients en terre cuite: « kvevri », les mêmes récipients où la tradition se perpétue encore aujourd’hui!
À l’origine on laissait fermenter et macérer au même temps les peux des raisins pendant longtemps, même des mois car il a fallu attendre quelques centaines d’année pour penser au vin blanc avec une presse directe sans macération!
Mais si on devait désigner une zone géographique qui a permis aux vins orange de s’imposer comme nouvelle “categorie” de vin , nous nous déplacerions certainement un peu plus loin, en territoire slovène/italien dont plusieurs producteurs y ont établi une véritable « philosophie vinification » qui continue à s’évoluer dans le temps.
Pour en citer quelques un: Josko Gravner, maître dans l’art de la longue macération et de l’affinage en terre cuite, mais aussi la famille Radikon et, plus bas dans la plaine à quelques kilomètres de la Slovénie, Fulvio Bressan, grand producteur de cépages magnifiques à baie noire comme le Schioppettino et le Pignol mais aussi gardien de cépages autochtones blancs (et centenaires) de la région: Tocai Friulano, Malvasia et Ribolla Gialla qui sont fait macérer pendant plus d’un mois avant de reposer au moins 3 ans.
Les cuvées Carat, Verduzzo, par exemple, sont des magnifiques expression de vins de macération italiennes, universellement reconnus par leur complexité et leur grande élégance, à tel point de nous obliger à repenser la façon dont on boit certains vins blancs et même leur température de service !
Les vins blancs et les vins macérés s’apparentent au même concept, mais diffèrent techniquement sur plusieurs aspects : couleur, structure tannique, complexité aromatique et gustative.
La couleur sera influencée par plusieurs facteurs : le premier est la durée de la macération sur les peaux. Le même raisin qui aura macéré 120 jours sur les peaux aura une couleur différente de celui qui aura macéré 5 jours. Dans le premier cas, nous extrairons probablement plus de couleur, certainement plus de structure et de tannins. Le deuxième élément est l’épaisseur et la couleur de la peau du raisin elle-même.
Le vin Verdeca « Gia » de Cristiano Guttarolo macéré 7 jours sur les peaux donnera un vin d’une couleur plus subtile qu’un vin issu de la même période de macération appliquée au Grillo « Voria Orange » de Porta del Vento. La raison est que le cépage “grillo” sicilien possède une peau plus épaisse et plus « colorée » que la Verdeca des Pouilles.
Le troisième élément et probablement le plus important, est le contact avec l’oxygène.
La macération peut en effet être réalisée dans un milieu réducteur (en absence d’oxygène) ou oxydatif (au contact de l’oxygène).
Dans le premier cas, on obtient des vins dorés : c’est le cas de l’Ageno du domaine La Stoppa, en Émilie-Romagne, un magnifique Malvasia di Candia aromatique avec pas moins de 4 mois de macération sur les peaux en l’absence d’oxygène. Dans le cas d’une macération au contact de l’oxygène, on obtiendrait un vin plus orangé.
Dans les deux cas, cependant, nous extrairons beaucoup d’antonymes, de tanins et de couleur, ce qui nous donnera des vins structurés, complexes, parfois rustiques, mais toujours et dans tous les cas intéressants.
Les vins orange bien faits sont le résultat d’une étude du terroir, du cépage et de son potentiel ; dans certains cas, il s’agit de véritables vins rouges déguisés en blancs.
Potentiellement des grands vins!